L'art rupestre, un phénomène culturel Historique des découvertes scientifiques La typologie en art rupestre
L'art rupestre, un phénomène culturel
Le terme générique « art rupestre » désigne une forme d’expression visuelle très ancienne. Cet art comprend des œuvres peintes, dessinées ou gravées, qui se retrouvent sur des formations rocheuses de toutes sortes : grottes, abris sous roche, blocs erratiques ou affleurements rocheux à ciel ouvert. On utilise l’expression « art pariétal » pour désigner les représentations se trouvant en lieux clos, celui des grottes ou des cavernes. Répartis sur les cinq continents, les sites rupestres comptent parmi les phénomènes culturels les plus répandus de l’humanité et demeurent visibles à travers le temps.
En Amérique du Nord, les chercheurs utilisent souvent le terme « pictogrammes » pour désigner les œuvres peintes et dessinées alors que les gravures sont appelées « pétroglyphes ».
Les chercheurs incluent aussi d’autres types d’œuvres sous le vocable « art rupestre » : (a) Les lichénomorphes sont produits en grattant la surface d’un rocher couvert de lichens pour créer, par contraste, une image plus ou moins complexe. (b) Les sgraffiti renvoient à des motifs produits à la surface d’une roche, en retirant la couche superficielle afin de laisser apparaitre la couche sous-jacente; ils sont alors généralement de teintes plus pâles, car avec le temps, la surface du rocher acquiert une patine plus foncée que la matière intérieure. (c) Les pétroformes sont soit des aménagements de pierres en forme d’alignements linéaires ou circulaires au sol, soit des amoncellements – l’inukshuk des Inuit en constitue un bel exemple – qui ont plusieurs fonctions utilitaires ou en lien avec la cosmologie des groupes qui les construisent. (d) Les géoglyphes sont des représentations de grandes dimensions, géométriques ou figuratives, qui sont produits en déplaçant la surface d’un sol afin de créer une figure, en contraste, avec la couche sous-jacente; ils sont évidemment mieux appréciés d’un point de vue éloigné, voire du haut des airs, comme en témoignent les géoglyphes de Nazca au Pérou ou les chevaux géants fabriqués dans le sol crayeux du sud-ouest de l’Angleterre.
Art, signe ou symbole
Les archéologues ont associé le mot « art » à rupestre pour souligner qu’il s’agit d’une forme d’expression visuelle délibérée, révélant une pratique de création similaire à tout travail artistique (conception, recherche des matériaux nécessaires, dont les pigments pour la peinture, usage d’outils appropriés, détermination des surfaces à orner, etc.). Il convient toutefois de souligner que, dans la quasi-totalité des cas, les sites n’étaient pas réalisés à des fins purement esthétiques bien que parfois les représentations rupestres peuvent être considérées comme de véritables œuvres d’art. Pour ce qui est du contenu graphique des images qui le composent, l’art rupestre affiche une gamme très étendue de signes et de symboles, allant des plus simples aux plus complexes. Certaines compositions apparaissent donc parfois fort rudimentaires, ne présentant que quelques motifs épars alors que d’autres sont de véritables œuvres complexes mettant en scène une pluralité de figures de toutes sortes.
Historique des découvertes scientifiques
Au-delà de mentions sporadiques faites par des aventuriers, des missionnaires, des militaires, des scientifiques ou encore des gens pratiquant des sports de plein air, l’intérêt scientifique pour les sites d’art rupestre ne prendra véritablement son essor qu’au cours du 19e siècle. C’est alors que l’on voit apparaitre les premières analyses et les premiers enregistrements d’œuvres peintes ou gravées dans la littérature savante, non seulement en France et en Espagne mais aussi en Scandinavie, en Afrique du Sud, en Australie ainsi qu’aux États-Unis.
Au cours du 20e siècle, la recherche devient plus systématique et s’inscrit dans un nouveau contexte pour l’interprétation des sites. On a longtemps pensé que l’art rupestre avait été réalisé soit à des fins de magie sympathique, pour des besoins d’enseignement ou encore à l’occasion de cérémonies magico-religieuses où le chamane ou sorcier agissait comme médiateur privilégié. En Amérique du Nord, en Afrique ou en Australie, on a tenté d’étudier cet art dans son contexte, celui des cultures autochtones dont il est issu. C’est ainsi que les chercheurs ont fait appel aux traditions orales des peuples dont les ancêtres ont réalisé les œuvres. En s’attardant à ces savoirs historiques, ils ont pu proposer de nouvelles interprétations des images rupestres.
À partir des années 1980, de nouvelles méthodes d’analyse découlant des sciences, comme la radiodatation ou encore la détermination des composantes chimiques des matières colorantes, ont considérablement fait avancer les connaissances sur le phénomène rupestre. Il devenait alors possible, d’une part, de mieux situer les œuvres dans le temps et selon les différents groupes culturels et, d’autre part, d’assurer une plus grande protection et une meilleure gestion de ce patrimoine pour l’avenir. Les trois dernières décennies d’investigation ont aussi permis de remettre en question de nombreuses idées sur cette production artistique, d’identifier les techniques utilisées, de reconstituer les manières de faire et d’interpréter les motifs, les images et les sites eux-mêmes.
Au Canada, les premières mentions d’art rupestre datent du 17e siècle. Par exemple, en 1669, deux prêtres sulpiciens ont découvert, sur le lac Érié, un rocher arborant une effigie anthropomorphe dont la face était peinte avec des pigments rouges. Malheureusement, les missionnaires l’ont détruite, la considérant comme une idole des Autochtones. À la fin du 18e siècle, l’explorateur et commerçant de fourrures, Alexander Mackenzie, a décrit un site sur la rivière Churchill en Saskatchewan qui existe encore de nos jours. Au 19e siècle, des descriptions de géologues et les premières études de scientifiques, dont le célèbre anthropologue Franz Boas et l’archéologue David Boyle, se sont ajoutées aux récits des explorateurs et des commerçants. Certains sites canadiens ont aussi été discutés dans le livre fondamental de l’ethnologue Garrick Mallery Picture-writing of the American Indians. Publié en 1893, cet important ouvrage décrivant la pictographie autochtone a longtemps été une référence incontournable sur l’art rupestre nord-américain.
Au 20e siècle, et plus particulièrement à compter des années 1950, un véritable engouement pour l’étude de l’art rupestre s’est manifesté grâce aux travaux de Selwyn Dewdney (1909-1979), un artiste et chercheur affilié au Royal Ontario Museum de Toronto. Dewdney est considéré aujourd’hui comme le père de la recherche sur les sites rupestres au Canada. Il a passé plus de 20 ans à parcourir un vaste territoire s’étendant de l’Alberta jusqu’au Québec, révélant l’existence de près de 300 sites rupestres. Dewdney était parfois accompagné d’informateurs autochtones durant ses périples. Le fameux et regretté artiste Norval Morrisseau l’a accompagné à plusieurs reprises. Au cours des soixante dernières années, des chercheurs passionnés, provenant de presque toutes les provinces canadiennes, ont fait avancer la recherche sur le patrimoine rupestre.
La typologie en art rupestre
Quel que soit l’endroit dans le monde où l’on trouve l’art rupestre, il comporte une très grande diversité de représentations, qu’il s’agisse de dessins, de peintures ou de gravures. L’analyse permet d’identifier les différents types et de les catégoriser d’une région à l’autre. On distingue ainsi deux grandes catégories, peu importe le mode de représentation adopté : les motifs géométriques et ceux figuratifs. On retrouve un très large éventail d’images géométriques, allant des traits les plus simples (points, tracés linéaires et courbes) à d’autres, plus complexes (treillis et arabesques) ou intermédiaires (cercles, triangles, carrés ou rectangles, zigzags, spirales, etc.). À quoi réfèrent ces motifs ? Sans une connaissance appropriée de la culture productrice et de ses codes, il est presque impossible de proposer des interprétations puisqu’ils sont abstraits et que leur lien avec une forme figurative est souvent difficile à établir.
Quant aux œuvres figuratives, elles comprennent plusieurs types de représentations, qui sont reconnaissables par leur forme, qu’elle soit schématique ou plutôt naturelle. On retrouve ainsi des figures d’apparence humaine (désignées par le terme d’anthropomorphes), d’autres de formes animales (dites aussi zoomorphes) ou celles ressemblant à des végétaux (appelées phytomorphes). S’ajoutent également des représentations d’objets de la culture matérielle (canoës, vêtements, arcs et flèches, etc.), de l’environnement naturel (formation rocheuse, cours d’eau, soleil, lune et étoiles) ainsi que des personnages aux traits hybrides, c’est-à-dire qui possèdent à la fois des attributs humains, d’animaux ou de végétaux. Parfois, l’artiste représente des êtres dont la combinaison des traits animaux et/ou humains indique qu’il s’agit de personnages puissants, comme les êtres aquatiques. On retrouve, de plus, des représentations de mains ou de pieds qui sont des empreintes, c’est-à-dire des figures faites au pochoir. Les images figuratives sont généralement identifiables bien que le sujet puisse rester illusoire. Toutefois, malgré l’apparence des motifs, tous pourraient avoir des significations encore inconnues.
Enfin, il faut préciser que l’identification des deux grandes catégories, figurative et géométrique, découle des recherches scientifiques contemporaines occidentales et que les artistes qui les ont créées ne faisaient pas nécessairement cette distinction.
Sur tous les continents, ou presque...
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