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qajartalik

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Qajartalik est un site rupestre localisé dans le détroit d’Hudson dans la région marine du Nunavik (Nord du Québec). On y retrouve plus de 180 gravures de visages aux traits humains comportant, dans certains cas, des attributs d'animaux. Ces pétroglyphes sont répartis principalement sur deux larges affleurements de stéatite communément appelée « pierre à savon ». Il s’agit d’un lieu ancien où les images ont été gravées par les Dorsétiens qui habitaient l’Arctique avant les Thuléens-Inuits. Cependant, depuis sa découverte, Qajartalik est devenu d’un grand intérêt culturel pour les Inuits du village de Kangiqsujuaq qui se considèrent aujourd'hui les gardiens de ce lieu.

Environnement & histoire

Un socle rocheux dans le détroit d'Hudson

Le site de Qajartalik se trouve dans le détroit d’Hudson sur l’ile Qikertaaluk, au large de la baie Whitley. Les pétroglyphes sont localisés dans une longue dépression granitique, entrecoupée par des veines de stéatite, qui forme une cuvette s’étirant sur une longueur d’environ 30 mètres. Le paysage de la toundra herbacée, dans le nord du Nunavik, se présente sous forme de larges étendues de mousses, de lichens, de graminées et de plantes à fleurs ainsi que d'affleurements rocheux entremêlés d'innombrables lacs et rivières sillonnant de vastes plaines, des vallées et des collines. Bien qu’on pense souvent à cette région comme un désert lunaire couvert perpétuellement de neige, c’est loin d’en être le cas !

Quant à la flore, elle est caractérisée par l'absence d’arbres et par la présence de lichens, de mousses, de petits arbustes rampants et de fleurs arctiques qui, lors de la saison estivale, transforment le paysage en un luxuriant tapis végétal aux couleurs kaléidoscopiques comparables à la splendeur des aurores boréales durant les longues nuits arctiques. Végétation très résistante, il n’en demeure pas moins que la diversité des espèces est moins grande que dans le sud du Canada. On y retrouve, entre autres, le pavot arctique, le saule arctique, la cassiope tetragona et de petits fruits tels que la chicouté ou encore le camarine noire. La faune arctique inclut d'emblématiques animaux, telles que l’ours blanc, le morse, le phoque, le caribou, le harfang des neiges et l’omble chevalier.

Le climat arctique de cette région est caractérisé par de longs hivers très froids et secs. Les précipitations d’environ 200 mm par an tombent surtout sous forme de neige, notamment lors de blizzards. Les longs hivers, qui font -25ºC en moyenne, laissent place à de courts étés, lors desquels la moyenne de la température se maintient autour de 9ºC.

Image d'une carte sur laquelle est localisé Qajartalik

Toponymie du lieu

Qajartalik
Qajartalik, terme de la langue inuktitut, signifie « l’endroit où il y a un kayak ». Bien que cette embarcation ne soit pas illustrée sur les roches, la formation géologique ovale et creuse où le site se retrouve pourrait en avoir inspiré le nom.

Dorsétien, Thuléens, Inuits

Qajartalik est une ancienne carrière qui a été fréquentée par différents peuples qui y exploitaient la stéatite pour en fabriquer des objets utilitaires comme des lampes à huile et des pots à cuisson. Le site servait également à la production de pétroglyphes, des images gravées dans la pierre. La culture dorsétienne (550 AEC – 950 EC) était répandue dans l'Arctique canadien. Ces chasseurs-pêcheurs-cueilleurs nomades subsistaient principalement grâce aux mammifères marins, comme le phoque et le morse. Les Dorsétiens sont notamment connus pour leur art mobilier, soit de petites sculptures d’animaux, des amulettes ou des objets associés au chamanisme, tels que des masquettes et des figurines miniatures en ivoire et en bois flotté. Vers 1150 EC, la culture dorsétienne s’éteint. Bien que les avis sur le motif de cette disparition soient partagés, il a été suggéré que la disparition des Dorsétiens fait suite à un réchauffement climatique qui aurait possiblement perturbé leur mode de subsistance. C’est environ à cette même époque que les Thuléens-Inuits migrent depuis l’ouest vers l’Arctique de l’Est. Dans la tradition orale, les Inuits réfèrent aux Dorsétiens en employant le terme "Tuniit".

La culture thuléenne s’est développée dans le Nord-Ouest de l’Alaska il y a à peu près 1 000 ans pour ensuite migrer vers l’Arctique canadien. C’est au cours du 13e siècle de notre ère que des groupes Thuléens-Inuits arrivent au Nunavik. Ils sont les ancêtres directs des Inuits d’aujourd’hui.

Les Thuléens sont des chasseurs de grands mammifères marins, tels que la baleine boréale. Selon la disponibilité des ressources, ils se déplaçaient constamment sur le territoire en établissant des campements pour des périodes plus ou moins longues, tout en gardant une grande mobilité grâce au kayak, à l'umiaq (grande embarcation recouverte de peaux de phoque) et au traineau tiré par des chiens.

Les Inuits, qui parlent la langue inuktitut, étaient traditionnellement des chasseurs-cueilleurs semi-nomades. Aujourd’hui, malgré les bouleversements liés au contact avec les Euro-canadiens, les Inuits préservent leur identité culturelle grâce à la langue, à l'accès aux territoires de leurs ancêtres, aux pratiques et lois traditionnelles ainsi qu’à leurs arts.

On ne connait pas l’âge précis des pétroglyphes à Qajartalik, mais on les associe aux Dorsétiens, en raison de leur état de conservation et parce qu’ils ressemblent stylistiquement à leur art mobilier. Ainsi, ces images pourraient dater de plus ou moins mille ans.

  • Témoignages d'un autre temps

    L’histoire des habitants du Nunavik est portée par la parole mais aussi par l’image. Qu’il s’agisse d’objets archéologiques et ethnographiques ou encore de photographies anciennes, il devient possible de voir et ainsi saisir la particularité des univers culturels qui se sont succédés sur ce vaste territoire. Découvrons ensemble ces quelques témoignages visuels d’un autre temps.

    Photographie d'une masquette dorsétienne en ivoire de morse
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    L’histoire des habitants du Nunavik est portée par la parole mais aussi par l’image. Qu’il s’agisse d’objets archéologiques et ethnographiques ou encore de photographies anciennes, il devient possible de voir et ainsi saisir la particularité des univers culturels qui se sont succédés sur ce vaste territoire. Découvrons ensemble ces quelques témoignages visuels d’un autre temps.

    Photographie d'une masquette dorsétienne en ivoire de morse
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    Photographie d'une sculpture en ivoire de morse représentant un ours polaire
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    Photographie d'une masquette sculptée dans l'ivoire de morse
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    Sculpture dorsétienne représentant un homme. Remarquez le manteau à col élevé et dépourvu de capuchon, typique des figurines dorsétiennes. Nunavut, Circa ap. J.-C. 500-1200.

    Photographie d’une sculpture dorsétienne représentant un homme. Le manteau à col élevé est dépourvu de capuchon.
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    Photographie de Mathew Ningiuruvik, Inuk de Kangiqsujuaq. Kangiqsujuaq, 1960s
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    Photographie d'un Qajaq (kayak) dont l'armature est de bois de flottage et recouverte de peaux de phoque
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    Photographie d'Inuits prise à Douglas Harbour, durant l'expédition de Wakeham. Kangiqsujuaq, 1897. Tous, sourires aux lèvres, portent fièrement les vêtements de peaux.
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    Photographie d'un vêtement féminin nommé Amauti fabriqué en peau de caribou et de phoque annelé doublé de fourrure
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    Photographie de Qamuraluk Qasilinaq. Kangiqsujuaq, 1960s. Homme souriant, il porte un vêtement dont le capuchon présente une bordure de fourrure.
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    Photographie de lunettes à neige mises au point par les Inuits pour se protéger de la réverbération du soleil sur la neige. Faites de bois de grève, elles sont de forme rectangulaire et creusées de cavités pour le nez et les yeux.
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    Photographie de femmes et d'enfants prenant le repas sous la tente
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    Image d'un ulu, couteau traditionnel utilisé par les femmes inuites
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    Photographie de Pinguq Alaku, chasseur de Kangiqsujuaq, venant tout juste d'harponner un petit mammifère marin
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    Photographie d'un harpon avec lanière en peau de phoque barbu. Une flèche détachable est fixée à une des extrémités.
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    Photographie d'un jeune garçon nommé Pita Jaaka et d'une jeune femme nommée Maggie Qisiiq. Ils posent fièrement devant la porte d'une tente de toile.
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    Photographie d'une lampe à huile nommée quilik par les Inuits. De forme demi-circulaire, elle est taillée dans la stéatite.
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    Photographie d'enfants assis côte à côte sur un rocher. Derrière, un homme debout est appuyé sur un inukshuk.

Découverte des lieux

Qajartalik et la communauté scientifique

Qajartalik était connu des Inuits, mais c’est seulement au début des années 1960 que son existence fut rapportée à la communauté scientifique par l’anthropologue Bernard Saladin d’Anglure. Dans le cadre de ses recherches ethnographiques dans la communauté inuite de Kangiqsujuaq, il fit la connaissance d'un missionnaire oblat qui l'informe de la présence de « diables » sur l’ile Qikertaaluk. Les Inuits utilisent alors l’expression Tuurngait, ou « esprits » au caractère maléfique, pour désigner ces gravures.

Double usage du site

Qajartalik est un endroit reconnu non seulement pour ses gravures rupestres, mais aussi pour sa pierre facile à travailler — la stéatite ou pierre à savon — qui était nécessaire à la production de lampes à huile, de récipients et, à partir de la deuxième moitié du 20ᵉ siècle, à la création de sculptures. Bien qu’ignorant le début de l’exploitation de cette carrière de stéatite, son utilisation remonte aux temps des Dorsétiens, ce qui est confirmée par 150 zones d’extraction environ. Dans quelques cas, ce type d’activité a endommagé quelques pétroglyphes gravés sur ces mêmes rochers de stéatite, ce qui laisse entendre une antériorité pour ces gravures mais pas nécessairement pour tous.



Les 180 visages de Qajartalik

Autour de 180 gravures de visages ont été identifiées à Qajartalik. Toujours représentées de face, elles mesurent généralement entre 10 et 30 cm, bien qu’on en retrouve mesurant approximativement 3 cm ainsi que quelques-unes de 60 cm. La largeur et la profondeur des rayures varient de 1 cm environ à quelques millimètres. Ces visages ont des traits humains parfois anthropo-zoomorphes. Certaines images hybrides combinent des traits humains avec des éléments qui ressemblent à des cornes ou à des oreilles pointues. Certaines représentations sont gravées avec des lignes sur le menton pouvant évoquer des tatouages tandis que d’autres semblent avoir les joues gonflées et la bouche entre-ouverte, ce qui pourraient représenter l’acte de souffler, le chant ou bien la parole. Bien que certaines gravures se retrouvent isolées, la majorité fait partie de regroupements pouvant aller jusqu'à une dizaine de figures.

Des visages schématiques similaires à ceux de Qajartalik furent retrouvés gravés seuls ou en groupes sur des portions d'andouiller de caribou, d'ivoire de morse ou d'os ainsi que sur de rares masques en bois. Ces derniers étaient probablement utilisés par des chamanes lors de rites.

Des comparaisons stylistiques entre les pétroglyphes et les objets d’art mobilier semblent indiquer que ces images ont été gravées vers la fin de la culture dorsétienne. Il s’agissait d’une période caractérisée par un grand stress culturel. Les changements climatiques ont affecté la présence du gibier tandis que les Thuléens s’installaient progressivement sur le territoire des Dorsétiens. Il est possible qu'un accroissement des activités chamaniques et la production de gravures qui leurs étaient associées aient pu contribuer à faire face à ces changements.

Les visages gravés pouvaient aussi référer aux ancêtres ou bien représenter le désir de marquer la présence des Dorsétiens dans le paysage. En lien avec l'activité d'extraction de la matière première, ce pouvait aussi être un geste symbolique de troc avec les esprits : une gravure en échange de la matière utile à la fabrication d'une lampe ou d'un récipient. Interprétés surtout dans un contexte chamanique, ces visages pourraient également représenter les différentes étapes de la transformation de l’humain à l’animal.

Recherche et conservation

Sous la loupe des scientifiques

Au début des années 1960, l’anthropologue Bernard Saladin d’Anglure est parvenu à répertorier 95 figures gravées sur le site de Qajartalik. Il a fait des moulages de quelques-unes et il a notamment suggéré leur origine dorsétienne. Par la suite, ce site fut étudié sporadiquement par des archéologues. Toutefois, il faut attendre 1996 avant que l’Institut culturel Avataq, l'organisme inuits dédié à la préservation et à la promotion de la culture et de la langue des Inuits du Nunavik, y entreprenne un inventaire élaboré en plus d'explorer les liens avec la culture matérielle dorsétienne ainsi que son art mobilier et le chamanisme. Avataq a étudié le site de Qajartalik à la demande de la communauté inuite de Kangiqsujuaq et a mis en marche certaines mesures pour sa protection.

Ainsi, des enregistrements et des fouilles y ont été conduits pour mieux comprendre cet endroit unique. De plus, diverses conférences et publications lui ont été consacrées pour le bénéfice des communautés locales, régionales et scientifiques.



Piquetage et incision

Les pétroglyphes ont été créés par piquetage et incision. Les pétroglyphes de petite taille ont été réalisés avec des outils à bord tranchants tandis que les visages plus grands résultent de l’utilisation d’un percuteur en pierre plus dure, comme le basalte ou le granite.



Un outillage lithique

Lors de fouilles archéologiques, les archéologues ont retrouvé des outils lithiques associés notamment à la production des pétroglyphes. Parmi ceux-ci, on a identifié des percuteurs en basalte, qui sont de grosses pierres arrondies et des burins faits de roches tranchantes.

Les problématiques de conservation

Le site de Qajartalik est menacé par des facteurs naturels et anthropiques. Nous pouvons mentionner l’abrasion causée par le vent soulevant le sable ou bien la détérioration de la pierre causée par les cycles répétés de gel et dégel (gélifraction), la météorisation, la desquamation et d'autres effets d'altérations atmosphériques ou climatiques. À ceci s’ajoute le piétinement des surfaces gravées et les fientes des animaux, tels que le caribou et les bernaches du Canada sans négliger l’envahissement de la surface rocheuse par les lichens. Cependant, ce sont les facteurs anthropiques, c'est-à-dire d’origine humaine, qui sont les plus destructeurs. Parmi ceux-ci, il faut ajouter les pluies acides.

Malgré son emplacement éloigné, des visites non autorisées de croisiéristes, par exemple, menèrent au piétinement des images moins visibles. Plusieurs d’entre eux quittent l'endroit avec des relevés réalisés par la technique du frottis, sans mesurer sans doute l’impact négatif qu’un tel geste pouvait avoir sur le patrimoine rupestre du lieu. Le site a également été victime de graffitis. De plus, la recherche continue de pierre à sculpter par les artistes de la région fait craindre pour l’intégrité du site. On espère que la recherche, l’éducation et la sensibilisation à l'égard de l'importance de préserver ce site sauront favoriser la conservation et une meilleure compréhension du lieu.




Zone de prélèvements de la stéatite
Envahissement de la surface rocheuse et de ses gravures par les lichens
Zone d'extraction à proximité de gravures endommagées des facteurs naturels et anthropiques



Patrimonialiser et protéger Qajartalik

Depuis plusieurs années, à la demande des Inuits du Nunavik, l’Institut culturel Avataq œuvre à la reconnaissance de la valeur patrimoniale unique de Qajartalik. En 2017, ce lieu a été ajouté à la liste des endroits proposés par le Canada comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture est un organisme qui, entre autres, est dédié à la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel mondial. En inscrivant Qajartalik sur cette liste indicative, on espère assurer la protection du lieu notamment en adoptant des mesures responsables d’accessibilité du public.




Quelques visages de l'art inuits contemporain...

Bien que les Dorsétiens et les Inuits appartiennent à des époques et à des réalités culturelles distinctes, on constate tout de même plusieurs traits communs entre ces populations. Toutes deux ont occupé sensiblement le même territoire en y prélevant, à des degrés divers, les mêmes ressources animales et végétales; toutes deux ont utilisé la stéatite pour fabriquer des objets utilitaires essentiels à leur quotidien; leurs artisans ont sculpté de petits objets en ivoire et en os. Lorsqu'on porte une attention sur les gravures dorsétiennes de Qajartalik, en les comparant à la production artistique contemporaine des Inuits, on ne peut que constater une autre similitude des plus fascinantes : la place prédominante du visage dans l'expression artistique des uns et des autres. Partie du corps la plus exposée et siège des émotions, le visage n'y serait-il pas devenu le principal symbole d'humanité par contraste au reste du corps revêtu de peaux animal ? De cette apparence mi-humaine mi-animale émerge un hybride à visage humain. Cela n'en demeure pas moins intriguant puisque chez les Thuléens, les ancêtres directs des Inuits, leurs figurines et autres représentations humaines affichaient des visages plats sans détails anatomiques !




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Vidéo : Akufen. ©Musée de la civilisation

[Plan fixe sur Lukassi assis devant la caméra. Derrière, un kayak et des photographies historiques présentés en exposition] Je m'appelle Lukassi. Je vis à Wakeham Bay. Je suis née à environ 32 kilomètres de Wakeham Bay [village de Kangiqsujuaq], dans le nord. [Succession de quatre images historiques : groupe d'hommes et de femmes inuites, chasseur debout sur la glace à côté de sa proie, homme marchant à côté de son chien dans la toundra, et Lukassi enfant transporté sur le dos d'une jeune femme] Nos parents se rendaient à différents endroits, selon les conditions météorologiques et en suivant le déplacement des animaux. Il y avait l'été, le printemps, l'automne et l'hiver, alors ils devaient se déplacer chaque saison. Alors, le 7 juillet 1949, je suis enfin née dans le territoire de chasse. Sur l'île Qajartalik, se trouve un masque [Plan fixe sur Lukassi] gravé dans la stéatite. Les Inuits connaissent son existence depuis de nombreuses années.

On ne réalisait pas que c’était important. Ainsi, quand ils voulaient un morceau de stéatite pour faire un qulliq [lampe à huile] ou un pot, alors ils devaient découper la stéatite pour en extraire un morceau. Et probablement qu'ils ont endommagé beaucoup de vieux masques. Car nous pensions que ce n'était probablement pas très important, nous disions : « Oh, il y a quelque chose d'étrange dans la pierre à savon. Oh, OK, oubliez ça, ça ne veut rien dire. » [Image historique d'un groupe d'Inuits prenant la pose et présentant un large sourire. Ils sont habillés de vêtements traditionnels] Même notre grand arrière-grand-père ou notre arrière-grand-mère en n'ont jamais parlé. Donc, [Plan de caméra fixe sur Lukassi. Il utilise dorénavant la gestuelle des mains pour illustrer son propos] même si nous les voyions, nous disions : « Oh, quelqu'un dessine pour s'amuser », c'est ce que nous pensions.

Il y a beaucoup, beaucoup de masques de même forme. Seulement le visage. Bien plus qu'une centaine. Ça doit être très spécial de voir des masques partout. Ils se trouvent peut-être dans trois zones différentes de l'île. Finalement, quand les Blancs ont commencé à arriver, ils ont demandé : « Où trouvez-vous votre stéatite? » « Dans cette région », et ils ont voulu voir où nous avions recueilli de la pierre à savon. Quand ils sont allés sur l’île de Qajartalik, quand ils y sont arrivés, ils ont dit : « Hé, hé, hé, qu'est-ce que c'est? » « Ah, ça ne veut probablement rien dire. » « Ça doit être vraiment quelque chose », c'est ce qu'ils ont commencé à demander, et ils ont commencé à en parler partout dans le monde. « C'est nouveau, c'est très important, à quoi ça sert? »

J'ai dit : « Je ne sais pas, nous ne savons pas. » Et, nous avons eu une grande surprise, nous n'étions pas conscients que ces masques étaient importants. Avant l'arrivée des missionnaires, il y avait beaucoup de chamans. Le chaman avait l'habitude de demander de l'aide supplémentaire de son pouvoir [esprit], d'où il tirait son pouvoir, parce qu'il était chaman. Il voulait aider plus de gens. Le chaman ne représentait aucun danger jadis. Quand quelqu'un était malade, il était comme un médecin qui guérit une personne malade ou même lorsque quelqu'un était mort et qu’on demandait de savoir quelque chose. Quand le chaman était disponible et s'il avait assez de puissance, il pouvait aider les gens à recouvrer la santé. C'est ce qu'il faisait avec les gens. Probablement, le chaman gravait dans la pierre à savon pour demander de plus en plus de puissance. C'est ce que nous pensions.

Vidéo : Akufen. ©Musée de la civilisation

[Plan fixe sur Louis Gagnon assis devant la caméra. Derrière lui, quelques vêtements traditionnels inuits présentés dans une salle d'exposition au Musée de la civilisation à Québec] Je me présente, Louis Gagnon. Je suis responsable de la muséologie, puis, du Secrétariat des arts à l'Institut Culturel Avataq. C’est un organisme inuit. C’est un organisme qui a été créé en 1980 à la demande des ainés du Nunavik. Bernard Saladin d'Anglure, l’anthropologue, [Photographie de M. Saladin d'Anglure] était dans le village de Kangiqsujuaq, [Images vidéo survolant en hauteur le village de Kangiqsujuaq] aussi appelé Wakeham Bay ou Maricourt, même à l’époque. Bernard entend parler de la part de l’oblat, un missionnaire oblat qui est sur place, d’une île [Image fixe présentant en avant plan 2 gravures de visages et le paysage marin environnant Qajartalik] où il y avait des diables. Ça évidemment, [Image fixe et rapprochée des 2 gravures de visages] comme anthropologue, ça a piqué sa curiosité. Il voulait absolument aller voir cette île où il y avait des diables. Ça c’est le Père Mascaret. [Image fixe et rapproché d'un autre visage gravé] On est en 1960-61. Donc, Bernard va faire une première expédition. [Plan de caméra fixe sur Louis Gagnon] Si ma mémoire est bonne, c’est Jugini Irniq qui est son guide qui l’accompagne.

Donc, il va sur l’île, découvre ces visages gravés, [Image fixe d'un regroupement de visages gravés] amorce un premier inventaire. Toujours est-il qu’il va ramener de l’information et il a, mais là, ça c’est vraiment une contribution importante, il a publié un court papier, [Plan de caméra fixe sur Louis Gagnon] il me semble c’est janvier 1961, où il fait l’état de la découverte, ou de la redécouverte, on va dire de la découverte. Il est l’inventeur du site en soit, pour la communauté scientifique. Mais, les Inuits connaissaient l’existence du site, c’est qu’il faut comprendre. Donc, c’est à partir de cette curiosité, il va découvrir le site, il va tenter de l’identifier. Il va le circonscrire du mieux qu’il pourra dans le temps qui lui incombe. Il n’est peut-être pas là au meilleur moment de l’année. Il est même obligé de faire vite dans ses déplacements. Donc, c’est ça. C’est une aventure, comment dire, qui débute brutalement.

Il va y retourner pour pouvoir faire des prélèvements. Il va enregistrer des moulages au latex sur certaines des figures. [Image fixe et rapproché sur un visage gravé] Ce sont des visages qui apparaissent passablement à l’échelle humaine. Donc, on voit à peu près les proportions. [Image fixe et rapproché sur un regroupement de trois visages gravés] Donc, il va chercher des façons d’enregistrer un maximum de données. C’est le scientifique qui établit la base [Plan fixe sur Louis Gagnon] d’un processus de recherche. Après cela, le site tombe passablement en oubli. Il y a une redécouverte, je dirais, de ce site qui se fait dans les années il me semble que 1980, où un chercheur, un jeune chercheur va en faire son projet de thèse. Sans aller sur le site, il va faire un certain nombre d’analyses des motifs. [Succession d'images fixes présentant un masque de bois dorsétien, un plus petit sculpté dans l'ivoire, une autre de Louis Gagnon lors de travaux sur le site, enfin un regroupement de visages gravés] Il va établir des rapprochements avec l’art dorsétien, en fait les représentations dorsétiennes. Il y a plusieurs étapes, et nous c’est seulement en 1995-96, bien en fait Daniel Arsenault et moi ont réussi à convaincre Avataq, n’est-ce pas que ça serait intéressant et pertinent. Et ça coïncide vraiment avec un intérêt dans le village pour pouvoir faire une étude approfondie du site. [Plan fixe sur Louis Gagnon] Donc, au milieu des années ‘90, Daniel et moi, on est un peu les artisans avec Daniel Gendron, ce qui est à la tête du Département d’archéologie chez Avataq, d’organiser une première mission, donc on réalise en 1996.

Vidéo : Akufen. ©Musée de la civilisation

Vidéo : Akufen. ©Musée de la civilisation

[Louis Gagnon de l'Institut culturel Avataq prend un moulage entre ses mains qui reproduit à l'identique le regroupement de trois visages gravés sur le site. Il s'en servira tout le long de la vidéo pour pointer du doigt certaines caractéristiques de ces pétroglyphes] En fait, pour pouvoir parler des gravures, je pense que ça donne un bel exemple puisqu’on n’est pas présentement sur le site à Qajartalik. Il peut être intéressant de noter que effectivement il y a plusieurs, ce qu’on va appeler des styles, mais en fait plusieurs types de représentations. Mais, il y a un élément de base je dirais qu’il perdure ou en fait qui est persistant. On a un front haut avec une forme plus ou moins pointue aux extrémités du front, de chaque côté en fait, ça encadre le front. Mais, ce qui est des éléments récurrents, puis à peu près peu importe le motif, tu as cette ligne qui traverse, une oblique courbure, c’est-à-dire est en courbure, un trait transversal dans le fond, à l’horizontal qui est toujours prolongé de deux traits qui descendent vers le bas dans le fond, ils sont verticaux, qui s’écartent un peu donc pour tracer les formes du nez, un nez qui s’évase dans sa base.

Et ensuite on a une forme plus ou moins ovale ou arrondie qui vient cerner dans le fond le bas de la bouche. Et très, très souvent mais pas toujours, mais presque toujours, un petit creux qui vient nous montrer, en fait nous signaler la bouche. Donc, on a les yeux, la forme du nez qui dessine même l’arête du nez parce qu’on est en creux. Et dans le fond, on se rend de chaque côté du visage, dans du bas du visage pour cerner une bouche. Une bouche qui est projetée. Cela a pour effet de projeter, parce que si on n’avait pas eu ces traits, on aurait moins dessiné les pommettes saillantes, les joues proéminentes. Là, on les souligne. Et c’est récurrent. On les a sur tous les motifs.

Donc on voit qu’il y a un modèle, il y a une façon de faire pour se représenter. Une autre particularité c’est que, là on va entrer dans les catégories, ça va aller avec un accent plus ou moins marqué. Il y a une courbure qui peut s’installer, ici on l’a beaucoup prononcée, et on remonte avec des pointes beaucoup plus marquées aux extrémités du front, enfin la partie frontale. [Image fixe sur deux visages gravés de Qajartalik] Et vous notez aussi que le front est très haut. Est-ce que ce sont des cheveux, une coupe de cheveux particulière? Peut-être. Certains y ont vu même des cornes de diable. [Plan fixe sur Louis Gagnon] Peut-être une interprétation qui est biaisée par certaines croyances religieuse, je dirais. Et on est arrivé avec une interprétation où on a vu des parallèles avec des vêtements qui sont associés à l’univers dorsétien.

Parce qu’on pense, a plusieurs éléments qui nous amènent à croire qu’on est à la fin de l’époque d’occupation de ce territoire par les Dorsétiens. Une période de grand stress d’ailleurs pour ce regroupement qui pourrait expliquer une activité magico-religieuse plus importante. Et parmi les éléments, pour commencer à interpréter ces pointes, on a pu faire un parallèle avec le vêtement qui était à l’arrière prolongé d’un haut col venait vers l’avant. Ils n’avaient pas de capuchons dans les représentations, parce qu’il y a des représentations de figurines humaines chez les Dorsétiens, et on voit un large capuchon qui fait le tour, qui vient en pointe ici. Et on peut deviner que ces pointes pourraient entre représentées ici par cette courbure selon l’angle où on voit, si on voit le personnage comme ça, on peut voir cette courbure avec les pointes de chaque côté qui représentent dans le fond son capuchon.

Comme si on avait élidé la forme de la tête, du sommet de la tête au profit de montrer le capuchon, pas le capuchon, mais le col, le grand col. Cela pourrait expliquer cette forme qui est récurrente. Il y a peut-être aussi une question de rapprochement, un anthropomorphisme qui combine aussi un zoomorphisme, c’est-à-dire des oreilles d’animaux. On sait que beaucoup d’animaux ont ces oreilles qui pointent vers l’extérieur, mais vraiment pointent. On pense au loup. On pourrait avoir tous les canidés qui sont très près des Inuits, le renard et tout ça là. Ça pourrait être une piste aussi d’interprétation. Mais reste qu’on voit ça de façon récurrente.

Autre chose, vous voyez, les dimensions sont souvent près de l’échelle réelle. On peut voir plus petit, mais on peut voir franchement plus petit. Je dirais qu’en termes de proportions, on pourrait voir que ça pourrait prendre la dimension maximale du nez qu’on a ici, là. Donc ça peut être des figurines qui sont relativement petites, et on change de technique. Ici, on voit que le sillon a pu être gratté en profondeur. Mais, pour les plus petits motifs que j’ai pu voir, en fait qu’on a pu trouver sur le site, on voit que c’est beaucoup plus incisé. C’est comme si on avait pris un outil coupant et qu’on avait simplement cerné le motif.